En ce mois de novembre, j’ai eu l’occasion d’organiser à Bruxelles, Gembloux, Drogenbos, et dans une dizaine d’autres villes du pays, une distribution de sachets de thé… et de nos idées ! Le geste est symbolique – un peu de chaleur en ce mois austère et froid… Il s’accompagne de vraies pistes de solutions pour à la fois faire baisser la facture, rencontrer nos besoins en énergie et lutter contre le dérèglement climatique.
Les prix du gaz et de l’électricité flambent depuis plusieurs mois. Le gouvernement fédéral attend que l’Union européenne agisse sur les prix de l’énergie, alors que nombre de nos voisins européens ont déjà agi eux-mêmes en bloquant les prix du gaz et de l’électricité. Les mesures actuelles sont malheureusement insuffisantes. Pourtant, des solutions existent à court, moyen et long termes.
La priorité : instaurer un bouclier tarifaire
La Belgique ne peut plus attendre l’Europe, la situation est trop grave pour se permettre des mesurettes palliatives. Les aides individuelles de 100 ou 200 euros n’agissent en rien sur le montant de la facture, devenue impayable pour les citoyens comme pour les entreprises. Si rien n’est fait, la récession coûtera très cher à l’économie belge : faillites personnelles, dépôt de bilan, chômage…
L’énergie n’est pourtant pas un produit ordinaire : dans notre société, c’est un bien de première nécessité. La libéralisation du marché, en 2007, devait favoriser la concurrence, au bénéfice du consommateur. On constate hélas qu’il n’en est rien : les prix de l’électricité et du gaz subissent les effets de la spéculation, et s’envolent.
Plafonner les prix, c’est reprendre la maîtrise des coûts énergétiques. C’est sauver le pouvoir d’achat des ménages et leur éviter le surendettement. C’est aussi soutenir nos entreprises et notre économie. Il est impératif aujourd’hui que l’Etat reprenne son rôle de régulateur du marché, en fixant un prix de vente maximum, comme il le fait pour d’autres produits essentiels, comme le pain par exemple.
Nous subissons tous cette augmentation des prix. Dès lors, place à la modération ! Les pouvoirs publics doivent être exemplaires. C’est pourquoi, à la Région bruxelloise et dans certaines communes, les élus DéFI ont plaidé notamment pour une baisse de la température dans les bâtiments publics et une diminution de l’éclairage des bâtiments et commerces. En effet, il est inconcevable pour DéFI de demander des efforts aux citoyens sans montrer l’exemple.
A moyen terme : pré-financer les rénovations énergétiques
Rénover son logement s’avère souvent coûteux et peu de propriétaires ont les fonds nécessaires au financement des travaux. DéFI propose que, dans le cas de travaux de rénovation énergétique, la majeure partie voire la totalité des primes soient payées en amont, pour permettre à tous d’isoler leur bâti, et, ainsi, de réaliser de substantielles économies d’énergie et d’argent. En effet, un toit bien isolé, par exemple, permet de baisser la facture, si pas immédiatement, en tout cas en quelques mois. Aider les citoyens et les entreprises à financer ces travaux, c’est miser sur des solutions durables, autant pour le porte-monnaie que pour la planète.
Pour les générations futures : lancer un marché européen du renouvelable
L’horizon des “100% renouvelable en 2050” est irréaliste. Toutefois, tant d’un point de vue écologique qu’économique, il faut développer le plus possible les énergies renouvelables, dans une perspective à la fois belge et européenne.
En matière d’énergie, l’Europe, de manière générale, et la Belgique en particulier, sont très dépendantes des importations. La transition écologique constitue dès lors une opportunité forte de réduire, voire supprimer cette dépendance, qui repose essentiellement sur des énergies fossiles.
Nous en appelons ainsi à la création d’un marché commun de l’énergie renouvelable, sous la forme d’un nouveau «traité de Rome», qui tirerait parti de nos différences climatiques sur le plan géographique : l’Italie et l’Espagne produiraient de l’énergie solaire, envoyant de l’électricité dans un réseau européen unifié, les pays d’Europe du Nord pourraient apporter les énergies éolienne et hydraulique propres à leur topographie. Les différents pays d’Europe mutualiseraient ainsi une partie de leur production en profitant de leurs atouts respectifs.
Nous pourrions ainsi relever un triple défi : profiter de la transition écologique pour en faire à la fois une opportunité économique, une prise d’indépendance énergétique européenne, et un chantier européen nouveau, dont l’Europe a bien besoin.
Un triangle d’or pour sauver le climat
Au-delà de la crise immédiate liée au coût du gaz et de l’électricité, l’urgence est aussi à la décarbonation de l’ensemble de notre économie, pour diminuer nos émissions de gaz à effet de serre – principalement le CO2- et freiner le réchauffement climatique.
Pour cela, nous misons sur trois angles d’approche, aussi nécessaires que complémentaires : la modération de nos consommations, le développement des énergies renouvelables, et le nucléaire.
Chauffage, mobilité et transports, plastique… Le pétrole se retrouve dans toutes les couches de notre société. Or, le pic de production est désormais dépassé : nous consommons plus de pétrole que nous n’en produisons. Les réserves s’épuisent, et, même sans la question climatique, il nous faut sortir de cette dépendance. Cela implique des changements qu’on peine encore à imaginer, et nous oblige, immanquablement, à repenser nos modes de consommation. Certes, les technologies nouvelles comme le LED par exemple, nous prouve qu’on peut diminuer nos consommation d’énergie sans perdre en confort. Ne nous leurrons pas : les solutions ne viendront pas toutes des technologies. Le changement passera nécessairement par un changement d’habitude. Faire mieux avec moins n’est pas forcément synonyme de décroissance : c’est remplacer le principe de croissance économique par une croissance qualitative.
Pour cela, il nous faut également assurer une production d’énergie qui puisse satisfaire aux besoins – certes réduits – de notre société. Le “tout renouvelable” n’est ni réaliste, ni suffisant, et le nucléaire comme nous le connaissons aujourd’hui, à Doel et Tihange, n’est pas une solution à long terme. Nos centrales sont vieillissantes, et la question du stockage des déchets reste à ce jour sans réelle solution. Mais entre une énergie fossile, qui émet des quantités importantes de CO2, et une énergie décarbonée qui ne nuit pas au climat, nous choisissons de sauver le climat ! D’une part, il est nécessaire aujourd’hui de prolonger les anciennes centrales, idéalement pour une durée de vingt ans. Cela nous permettra de poursuivre le développement de notre production d’énergie renouvelable, mais aussi d’investir dans la recherche liée au nucléaire de quatrième génération, plus efficient, et générateur de moins de déchets.
A l’instar de la Chine, qui travaille actuellement sur des projets de nucléaire au thorium et aux sels fondus, et de plusieurs pays européens, la Belgique doit devenir pionnière du nucléaire nouvelle génération, et devenir une force d’impulsion européenne. Notre pays doit ainsi mobiliser ses moyens publics et privés et ses ingénieurs afin, demain, d’être non seulement une nation experte du démantèlement des anciens réacteurs, mais une nation experte des nouveaux réacteurs. L’Union européenne doit mutualiser ses efforts de recherche et de développement sur le nouveau nucléaire en vue de garantir son indépendance énergétique future, dans un monde où il faudra se passer à moyen terme de pétrole et de gaz.
Relever le défi de l’énergie demande une vue à long terme : isoler l’ensemble bâti, développer l’infrastructure du renouvelable ou relancer une filière nucléaire exigent du temps, qui se calcule en décennie, là où nos gouvernements travaillent souvent sur des échéances à 4 ou 5 ans. Construire un plan énergétique durable pour la Belgique est un enjeu fondamental pour les trente années à venir. Tout comme la lutte contre le réchauffement climatique exige des réponses au-delà des frontières de la Belgique, la question de l’énergie exigera une planification et un engagement qui dépassent largement les échéances habituelles d’un mandat politique.